MIKHAÏLO (Già Mikhailov) Stoyadin
Insegnante, pittore imbianchino, operaio di fabbrica
Kosovo (Bulgarie) 24.06.1908 – Losanna /VD 24.04.2004
Sposato con Marie-Christine.
Quelques mots sur un ami
Il était inévitable que je rencontre SM, car c'est à partir de 1953 que j'ai entendu parler de la famille et de la maison de Beaumont. En effet, arrivé à Lausanne depuis les chantiers du Service civil international en Calabre, j'ai tout naturellement fait la connaissance à quelques kilomètres de là, au Daley-sur-Lutry, de Lise Ceresole, veuve du fondateur du SCI et née David, donc fille de la “maison des cèdres”. Quand Stoyadin est arrivé à Beaumont, en 1962, j'étais donc un habitué des lieux et les fréquentations ne pouvaient qu'augmenter après le premier transfert du CIRA de Genève à Lausanne en 1964.
Stoyadin a été pour moi d'abord un grand frère, puis – avec les années qui ont cassé sa vigueur – nos relations ont pris un caratère que je pouvais qualifier de filial: après tout, il avait à peine deux ans de moins que mon père.
Il a fait, pendant de longues années, plus que de se rendre utile à Beaumont. De ses origines sociales modeste, il avait conservé un sens – il est vrai quelque peu dépassé – de la valeur des choses et, en premier lieu, de la terre. Pour lui, cette dernière ne pouvait être que nourricière, d'où les changements qu'il a apportés au Beaumont d'antant. Le visage du jardin a ainsi bien changé, redevenant en grande partie verger et potager, à la suite de pesants travaux de défrichage sur un terrain rendu encore plus ingrat, au début, par des racines de faux-acacias tenaces autant qu'abondantes. Les jeunes de la famille n'ont pas toujour apprécié ce qui pouvait apparaître à leurs yeux comme le saccage de la “jungle”, témoin des jeux de leur enfance...
En brave et cohérent vététarien, S., dont la cuisine abondait déjà en légumes et fruits de saison, réalisait lui-même son yoghourt quotidien. Il a même essayé, avec un succès relatif, de construire un four à pain.
Il ne faudrait cependant pas déduire de ce qui précède qu'il était une réplique à peine améliorée d'un quelconque fruste pâtre des Rhodopes bulgares échoué par hasard en Helvétie. Les quelques pages d'autobiographie qu'il nous a laissées nous apprennent l'importance de l'effort qu'il a dû fournir, année après année, pour pouvoir s'instruire (il fut le premier de sa famille paysanne à apprendre à lire et à écrire) et évoluer jusq'à l'inseignement. Puis, ayant dû choisir entre régime stalinien et exil, il a connu des séjours mouvementés en Yougoslavie, Italie, Allemagne et France, pendant lesquels il n'a pas hésité à retrousser ses manches, quand il le fallait, en travaillant comme peintre en bâtiment, jardinier ou ouvrier d'usine. Une force de caractère qui n'aurait pas obtenu les résultas escomptés sans une vive intelligence.
Cette soif de connaissance s'est même maintenue pratiquement jusqu'à la fin de sa vie, frappée – heureusement pourrait-on dire- par la surdité et non par des atteintes à la vue, ce qui lui a permis de continuer à lire quotidiennement.
Etrangement, je m'en rends compte aujourd'hui, nos avons rarement parlé d'anarchisme entre nous. Je pense que cela tient au fait que son esprit libertaire se manifestait par son comportement de tous les jours, envers les gens et les choses, sans grandes envolées doctrinaires.
Parmi ses intérêts, une des premières places doit être réservée à ses recherches sur la réforme de l'orthographe, en particulier celle du bulgare, sa langue natale. S'étant procuré une machine à écrire à caratères syrilliques, il a pu réaliser plusieurs opuscules, Coup d'oeil sur quelques orthographes étrangères, Ecritures et orthographes, problème européen (Lausanne, l'Age d'Homme, 1973), Par dessus la Foire alphabétique, graphique, orthographique internationale, entre autres. De nombreux ministres de l'instruction publique et bibliothèques universiatiares de toute l'Europe ont reçu ses lettres les timulant à se pencher sur cet argument. Ce qui lui a valu qu'on parle de lui dans la presse, bien entendu comme d'un original.
Jusqu'à la veille de ses nonante ans, c.à.d. avant que sa mobilité ne soit touchée par la maladie, il lui est arrivé plusieurs fois de parcourir à pied la distance qui sépare Beaumont de Forel où j'habite, soit une bonne dizaine de km, pour nous apporter quelques plantes, courges et fruits, ou tout simplement pour nous dire bonjour à l'improviste. Et à chacune de nos rencontres chez lui, il n'a jamais oublié de demander des nouvelles de Bethli, ma femme, et de me prier de bien la saluer.
Il a souvent pensé à sa parenté bulgare et a notamment aidé une petite-nièce, étudiante en Allemagne, en puisant dans ses faibles économies de simple rentier AVS.
Mais sa véritable famille – au-delà de quelques remarques acerbes au sujet des origines prétendument patriciennes de celle-ci – a été la famille de Marie-Christine, dans laquelle il a pu enfin trouver sinon une sérénité totale (pas évidente, étant donné son vécu), du moins la stabilité et un foyer.
Suivant son désir, ces cendres repartent pour la Bulgarie pour y être répandues sur la tombe de sa mère. Elles ne rejoindront pas, au bout du jardin, celles de la femme qui a partagé une grande partie de sa vie et qui lui a survécu quelques mois à peine.
Mais un souvenir de S., bien plus visible, restera à Beaumont: les cabanes qu'il a construites dans touts les recoins, avec amour et avec les moyens du bord."
FONTI: Scheda a cura di Claude Cantini, Bulletin du CIRA, No 61, Lausanne mai 2005 /
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